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Philippines… Un peu d’histoire

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GEOGRAPHIE ET ENVIRONNEMENT

Difficile de résumer l’histoire d’un pays aussi vaste que celui des Philippines. Avec ses 7 107 îles recensées s’étirant sur 1 900 km du Nord au Sud, il s’agit du 2ème archipel au monde de par sa taille… Ce pays, placé sur la célèbre ceinture de feu du Pacifique, subit annuellement des typhons et tremblements de terre. La faune et la flore du pays sont reconnues dans le monde entier bien que la pollution, la déforestation, la pêche intensive (dynamite, cyanure) ont eu raison de nombreuses niches écologiques uniques au monde.

Les îles se composent typiquement d’un centre montagneux couvert de jungle, et entourées d’un rivage baigné par des eaux turquoise et d’un récif corallien. Par contre, beaucoup d’îles ne disposent pas réellement de plages à proprement parlé, beaucoup sont privatisées par les hôtels pour touristes, et les plastiques et détritus gâchent un peu les plaisirs balnéaires il faut bien le reconnaître ! La plongée est bien sûr à l’honneur ici à condition d’avoir les moyens financiers… Peu d’espèces pélagiques (il y a quand même à certains endroits des tortues, requins, baleines et dauphins) mais surtout du macro, du corail et des épaves en perspective…

HISTOIRE

Avant l’arrivée des colons espagnols au XVIème siècle, les philippins restaient sur leurs îles et vivaient sans conscience d’une unité nationale. En l’absence d’un gouvernement central, les habitants vivaient en petites communautés dans des barangay (quartiers ou petits villages) indépendants.

De nombreuses cultures et civilisations peuplaient les Philippines. Le nord de Luzon était historiquement peuplé par les Ifugao, originaires de Chine et du Vietnam, ce qui explique que l’on retrouve encore aujourd’hui de fabuleuses rizières en terrasse dont certaines classées UNESCO. En revanche, le sud de Luzon, comme les plaines des Visayas étaient le domaine d’animistes d’origine malaise, tandis que dans les régions du sud de Mindanao et Sulu, l’islam se diffusait déjà il y a un millier d’années, véhiculé par des immigrants venant de Brunei.

Alors que l’islam se développait dans tout le pays, les espagnols, avec à leur tête Magellan, débarquèrent dans le pays en 1521. Brève incursion soldée par la défaite et la mort du navigateur-explorateur près de Cebu par le Chef Lapu Lapu, devenu ensuite héro national.

En 1565, Legazpi revient en vengeur et offre à l’Espagne une nouvelle colonie. Une grande partie de la culture et le catholicisme fervent des philippins en découle.

La prise de Manille face au chef musulman, le rajah Sulayman, eut lieu en 1571. En dehors de Manille dirigée par un gouverneur espagnol, ce sont les moines catholiques qui détenaient le véritable pouvoir et s’efforçaient de déplacer les populations des barangay dans des pueblos, plus grands et centralisés. Des églises furent bâties dans chaque pueblo. On en retrouve encore quelques unes de nos jours.

La domination des espagnols a été soumise à rude épreuve par de multiples rebellions, éparses et sans ressources financières, qui ont fait émerger des personnalités telles que José Rizal (1861 – 1896), poète et médecin, martyr et héros, qui a donné son nom à de nombreux monuments, bâtiments et rues du pays.

En 1898, une autre colonie espagnole, Cuba, fut le théâtre d’une crise entre l’Espagne et les Etats-Unis. La guerre fut déclarée, et les Philippines en tant que colonie espagnole, furent impliquées. Une flotte américaine, commandée par l’amiral Dewey, entra dans la baie de Manille et coula les navires espagnols. Avec la signature du traité de Paris en 1898, la guerre hispano-américaine prit fin, et les Etats-Unis rachetèrent les Philippines, Guam et Porto Rico pour 20 millions de dollars.

Ayant goûté une première fois à l’indépendance après des siècles d’occupation espagnole, les philippins, toujours dirigés par Aguinaldo, provoquèrent les américains et une guerre brève et sanglante eu lieu de février 1899 au 4 juillet 1902. Quelque 200 civils et 20 000 soldats philippins et plus de 4 000 soldats américains périrent. Enfin ça c’est la version officielle… Car en pratique, les combats menés entre les américains (qui souhaitaient contrôler le pacifique) et les philippins ont perduré jusqu’en 1913. Les philippins, traités de « niggers » (nègres) ont vécu la plus sanglante des guerres colonialistes… Entre 1 et 2 millions périrent dans des conditions effroyables, que ce soit dans des batailles inégales, de maladies tropicales, de faim ou dans de véritables camps de concentrations. Des centaines d’Oradour-sur-Glane ont eu lieu… On parle donc de génocide! De nombreux villages et récoltes furent brûlés, le bétail abattu… Certains généraux américains ont ainsi été tristement connus tel que Franklin Bell (plus de 600 000 morts reconnus rien que sur l’île de Luzon avec acte de torture à la clé) ou encore Jacob H. Smith qui aurait donné l’ordre d’abattre toutes les personnes ayant plus de 10 ans afin d’éradiquer tout opposant potentiel… Cette partie là de l’histoire à été fortement censurée (archives militaires détruites, pression sur les soldats, etc.), et malgré quelques journalistes et intellectuels qui ont rendu ces atrocités publiques, l’opinion publique elle ne s’est jamais mobilisée.

Petite anecdote au passage : l’exposition universelle de Saint Louis (Etats-Unis) de 1904 où 1 100 philippins furent emmenés comme trophée face à la suprématie de la race blanche. En effet, certaines tribus comme celle des Igorot (Nord de Luzon) avaient pour coutume de couper les têtes…

A partir de 1913, les américains s’employèrent rapidement à faire venir des centaines de professeurs pour imposer leur langue. En l’espace de 30 ans, le taux d’alphabétisation passa d’un taux presque nul à près de 50% et 27% de la population parlait désormais l’anglais. Outre les écoles, les américains construisirent des ponts, des routes, un système d’égouts, et promirent ouvertement une indépendance future du pays. Mais en parallèle, le colonisateur prit soin de maintenir la population dans le sous-développement. Veillant à ce qu’aucune « élite » civile ou militaire ne soit formée, à part les héritiers des familles milliardaires agissant en fondés de pouvoir des autorités coloniales, et ainsi éviter toute nouvelle insurrection.

Puis, la seconde guerre mondiale s’est traduite par une occupation japonaise durant 3 ans. En avril 1942, 75 000 soldats américains et philippins se rendirent aux japonais à Bataan. Les vainqueurs forcèrent les prisonniers à marcher plus de 100 km afin de relier un train en direction du centre d’internement O’Donnell. On estime que 20 000 d’entre-eux succombèrent en chemin. En 1944, Mac Arthur revint et libéra les Philippines de l’occupation japonaise. La principale bataille terrestre eut lieu à Manille, où les habitants sans défense furent pris sous les feux croisés en février 1945. Au moins 150 000 civils tombèrent et les bombardements détruisirent une grande partie de cette cité jusqu’alors considérée comme l’une des plus belles d’Asie.

En 1946, Manuel Roxas (1892 – 1948) fut élu 1er président de la république indépendante des Philippines, sous la houlette des Etats-Unis bien sûr, avec pour tâche d’envergure la reconstruction d’une nation détruite par la guerre.

En 1965, Ferdinand Marcos (1917 – 1989), fut élu 4ème président des Philippines. Les débuts furent prometteurs mais en 1972, soutenu par les Etats-Unis, Marcos prit pour prétexte la montée en puissance du communisme et instaura la loi martiale à l’ensemble du pays. Désormais c’est l’armée qui assure le maintien de l’ordre à la place de la police. Il put ainsi se maintenir au pouvoir et protéger ses intérêts commerciaux à l’étranger. Les médias furent réduits au silence, un couvre-feu fut imposé, les voyages à l’étranger interdits, et environ 50 000 opposants au régime furent emprisonnés ou assassinés. Marcos ne leva la loi martiale qu’en 1981 à la veille d’une visite du pape Jean-Paul II qui critiquait les violations des droits de l’Homme. Peu après, des élections truquées lui permirent de renouveler pour un nouveau mandat de 6 ans.

Le « People Power », ou 1ère révolution pacifique au Monde, est né dans les rues de Manille en février 1986. Alors que le monde entier suivait les événements, des millions de Philippins, armés de leur seul courage, descendaient dans les rues pour défier le pouvoir militaire du régime Marcos. La foule chanta, psalmodia, pria, partagea boissons et nourriture avec les troupes gouvernementales, qui refusèrent d’ouvrir le feu sur les manifestants et prirent leur parti. A la nuit tombée, les manifestants menacèrent d’envahir le palais. Les américains conseillèrent alors à Marcos de partir et toute la famille embarqua rapidement dans un avion américain et se réfugia à Hawaï. Décédé en 1989, sa veuve Imelda est rentrée rapidement aux Philippines. Bien qu’il ait été prouvé que les Marcos ont détourné des milliards de dollars des fonds publics, Imelda continue de vivre libre à Manille ! Elle a même réussi à se faire élire au Congrès en 1995, puis de nouveau en 2010, à l’âge de 80 ans…

En 1991, l’éruption du mont Pinatubo, au nord de Manille, rend inutilisable la base militaire américaine de Clark. Le sénat philippin en profite pour voter la fin de la présence militaire américaine. Depuis, le pays est resté un état démocratique, mais sa situation ne s’est que peu améliorée certainement aussi à cause des énormes problèmes de corruption qui centralisent toutes les richesses du pays aux mains de quelques familles…

ET AUJOURD’HUI ?

Depuis 2010, le pays a trouvé l’homme nouveau qu’il cherchait en la personne de Benigno Aquino III, fils irréprochable de Corazon Aquino et héros du premier « People Power » en 1986. Il lutte activement contre la corruption et les groupements d’intérêts.

La population philippine a dépassé les 100 millions d’habitants, alors qu’elle n’atteignait que 76 millions en 2000. La proportion de personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour s’est maintenue autour de 40%. La puissante église catholique (83% de la population est catholique ce qui est unique en Asie) fait pression avec succès contre un contrôle des naissances plus strict et l’utilisation de contraceptifs.

Le taux d’alphabétisation actuel est bon (93%) et le chômage assez faible (7%).

De nombreuses communautés cohabitent ; les plus représentatifs sont les Tagalog (28%) et les Cebuano (13%) qui disposent chacune de leur propre langue.

Parmi les problèmes actuels, on pourrait évoquer les assassinats fréquents des journalistes (classé 3ème pays au Monde sur le nombre de meurtres non élucidés de journalistes), la corruption bien réelle, les conflits actuels qui opposent les musulmans et les chrétiens dans le sud du pays (île de Mindanao), ou encore la prostitution de nombreuses femmes et enfants (je ne compte plus le nombre de vieux dégueulasses occidentaux croisés dans les rues!!). Sûrement un vestige de la grande époque coloniale américaine et puis de la pauvreté omniprésente bien sûr !

Finissons néanmoins par une touche d’optimisme ! Les philippins sont un peuple souriant, qui ne s’énerve jamais (encore ce matin notre bateau a été décalé de 24h sans que personne ne perde son sang froid alors que nous avions déjà passé 45 min en mer), et qui malgré les conditions climatiques extrêmes récurrentes ne baisse jamais les bras et reconstruisent inlassablement leurs habitations pour la plupart très sommaires (paillote en bois, bambou, feuilles de nipa ou palmier). Beaucoup d’ailleurs vivent jusqu’à 10 personnes d’une même famille dans une seule et grande pièce. Comme beaucoup de pays pauvres, la solidarité est très présente. Par ailleurs, bien que la condition de la plupart des femmes soit ingrate (souvent en charge des corvées ménagères, de l’éducation des enfants, de trouver un revenu pour la famille, souvent trompées par leur mari), il n’en demeure pas moins que 2 femmes ont été élues en tant que présidentes au cours des 20 dernières années !

Bien que la religion catholique soit très présente, l’homosexualité est super bien acceptée et il n’est pas rare de voir des bakla (gays) ou des tomboy (lesbiennes) partout où nous sommes passés. L’homosexualité ne constitue apparemment pas un frein à l’embauche quel que soit le domaine professionnel. Je ne pense pas qu’il y ait en France autant de travestis dans des petits villages reculés qui arrivent à vivre leur vie sans se sentir jugés en permanence…

Enfin, le karaoké – appelé videoke – est légion ici, tout le monde chantonne et personne ne se moque ou critique même si parfois ça fait mal aux oreilles…