Le trajet pour atteindre la vallée de Mamasa s’est révélé être un véritable calvaire. Partis à 9h du mat avec un pete-pete (bus très local), nous voilà déposés au bout de 5 km au terminus. 1h d’attente plus tard, nous prenons le bus nous permettant de relier la ville de Polewali à 100 km de là. La route est bonne mais la pause déjeuner de notre chauffeur rallonge considérablement le temps de trajet. A Polewali, quelques hommes nous attendent de pied ferme afin que nous prenions leurs véhicules pour relier Mamasa. A ce moment là, il est 13h nous nous disons que nous avons largement le temps de finir les 70 km restants. Aussi, nous refusons leurs propositions excessivement chères (au moins 2€ plus cher que les transports en commun!!!). Le bus/4×4 attendu n’arrivant pas, nous nous faisons prendre en stop au bout de 1h d’attente afin d’être déposés au début de la route unique permettant d’aller dans la montagne. 2h plus tard, nous voilà installés dans un truc local tape-cul pour une durée prévue de 3h (dixit le lonely planet). Au final, le cross dans la montagne a duré 6h pour 70 km!!! Enfin arrivés, nous trouvons un hôtel « coup de cœur » du lonely qui se révèle être le pire que nous ayons eu jusqu’à présent! Le réceptionniste dormait profondément et les chambres étaient crado à souhait. Et comme il est 22h tout est fermé en ville. Ben il y a des jours où il vaut mieux rester au pieu lol. Heureusement, Thierry avait acheté 2 jours avant une mini bouilloire électrique et des nouilles instantanées ce qui nous a permis de faire au moins un « repas » dans la journée! Au moins la journée ne nous est pas revenue chère entre l’absence de resto et 8€ chacun pour l’ensemble des transports!
Dixit notre lonely planet on pensait être presque arrivés! Que nini il restait encore 5h devant nous…Le trajet le plus long de notre vie certainement!
Après tous nos efforts et 12h de trajet (dont 3h d’attente au bord de route), nous voila récompensés par un accueil et une chambre de merde. Youpi!
Le lendemain matin, nous partons direct à la recherche d’un autre hébergement. Après 2 km de marche, nos efforts sont récompensés et nous trouvons en périphérie de la ville (enfin « bourgade » serait un terme plus juste) un hôtel beaucoup plus sympa pour le même prix soit pour 9€ la nuit. Eau chaude soufrée provenant de la nappe en dessous, vue sympa, et même une piscine! Le pied surtout après avoir marché toute la journée! Nous avons sympathisé avec notre voisine, Danièle. A la retraite depuis peu, et vivant à Paris, elle a toujours eu la passion des voyages ce qui l’a amené à voyager toute seule la plupart du temps sur des durées assez longues (entre 2 et 4 mois par an)!
Le climat est différent dans les montagnes. Mamasa, située à 1100 mètres d’altitude, connait des nuits fraîches (18-20°C) et les gens aiment s’enrouler dans une couverture en regardant les gens passer dans la rue. Les journées sont toujours chaudes et ensoleillées mais dans l’après-midi nous avons eu droit à de gros coups d’orages et de belles averses. Nous nous sommes ainsi fait surprendre une fois en pleine rando. Vu le terrain plus qu’accidenté, et la boue sous nos pieds, nous avons eu droit à quelques glissades.
En plus du climat, la religion est aussi différente. Adieu le monde musulman, place au christianisme (majoritairement protestants). Il faut dire que ici, tout comme en pays Toraja plus à l’Est, les montagnes ont gardé les populations locales à l’écart du reste du monde… Du moins jusqu’au XXème siècle avec son lot de missionnaires chrétiens hollandais. Au moins, nous ne nous faisons plus réveiller par la mosquée à 4h du matin!
Initialement, nous pensions faire un trek de 4 à 5 jours depuis Mamasa jusqu’à Bittuang, située à 60 km plus à l’Est. Nous aurions pris ensuite un kijang ou Ojek (taxi-mobylette) pour rejoindre Rantepao à 20 km. Mais après réflexion, entre le poids de nos sacs (22 kg chacun), la météo capricieuse l’après-midi, et le coût d’un guide, on a préféré abandonner. Et puis notre hôtel était sympa!! Nous avons donc opté pour 3 jours de balade dans la vallée avec retour en milieu d’aprem à l’hôtel dont 2 jours avec Danièle et son guide anglophone. Quelques belles balades en perspective comme vous pouvez le voir…
Pauvre Thierry…Même les animaux se foutent de sa gueule lol
Après 5 jours à Mamasa, nous partons pour Tana Toraja (Pays Toraja) dont Rantepao, avec ses 45 000 habitants, est l’épicentre. Même si depuis Mamasa nous étions à seulement 80 km de Rantepao, nous avons dû repartir jusqu’à Polewali avant de pouvoir bifurquer plus à l’Est soit environ 11h de trajet!! Après cela, on comprend mieux pourquoi peu de touristes vont s’aventurer jusqu’à Mamasa. Certes la vallée dispose de petits villages hors du temps, et de belles rizières sur fond de chaînes montagneuses mais il faut disposer de temps et supporter la route défoncée. Personnellement, en ayant vu le pays Toraja, je ne pense pas qu’il soit utile d’aller se perdre dans la vallée de Mamasa…
Arrivés à Rantepao nous retrouvons avec plaisir Marie-Claude pour 3 jours. Cela faisait déjà une semaine qu’elle était arrivée, et avait même eu le temps de sympathiser avec un couple, Sarah et Jaya. Aussi, nos 2 premières soirées nous les avons passé tous ensemble, dans la boutique de café qui leur sert aussi de maison. Le premier soir, ils nous ont offert une tonne de pisang goreng (bananes enroulées dans une pâte puis cuites dans l’huile) avec du café du pays. Pas très équilibré comme repas mais tellement bon après 11h de transport! Le lendemain, nous avons acheté du poisson frais (5 poissons = 2,50€) au marché et Sarah s’est occupée de les cuisiner avec tout ce qui va bien… Bagus!
Vous retrouverez leur portrait sur : http://ofildelasie.wordpress.com/2013/10/24/sarah-et-jaya-bruleurs-de-cafe-a-rantepao
Nous avons prévu de rester à Rantepao pour 1 semaine et de nous déplacer en scooter. Nous avons trouvé une petite pension de famille très sympa et propre, avec eau chaude et petit déj copieux pour une fois, et dont le père de famille parle bien anglais et n’est pas avare en conseils. A 150 000 Rp la nuit (10€), je vous conseille vraiment cette adresse!!
Afin de mieux comprendre la suite, je vous donne quelques clés pour mieux cerner la culture Toraja…
Le peuple Toraja est estimé à 650 000 personnes dont 450 000 vivant toujours dans la région de Rantepao (Tana Toraja). Pendant des siècles, ils ont su garder leurs croyances, leurs rites, et cela en dépit des autres peuples vivant en Sulawesi Sud à savoir les Bugis (constructeurs de navires et marins réputés) et les Macassarais (marins réputés et habitants des Terres-Basses). Jusqu’à l’arrivée des colons hollandais en 1905, les Toraja n’avaient pas conscience d’être un peuple à part entière et chaque village vivait avec ses propres coutumes, rituels et spécificités linguistiques. Seules quelques cérémonies permettaient des relations ponctuelles entre divers villages.
L’opinion la plus répandue voit également dans les Bugis l’ennemi héréditaire des Toraja. En réalité, au cours de l’histoire, les relations entre les deux peuples furent bien plus souvent pacifiques que belliqueuses. Très tôt, Toraja et Bugis ont entretenu des relations commerciales, échangeant le fer, l’or, les produits de la forêt et plus tard, le café du pays Toraja contre le sel, le poisson séché, les buffles albinos, la soie et la verroterie.
A partir de 1905, les néerlandais, inquiets de voir le développement de l’Islam dans le Sud de la Sulawesi, entamèrent une campagne massive d’évangélisation. En effet, les Toraja, animistes, constituaient de nombreux chrétiens potentiels permettant ainsi de contrebalancer le développement de l’Islam dans la région. Les colons en profitèrent pour abolir l’esclavage et mettre en place un système d’impôts assez lourd afin de saper les ressources financières de l’élite.
Si le christianisme détruisit certains croyances traditionnelles, les cérémonies demeurent un élément crucial de leur vie. Aujourd’hui, près d’un Toraja sur deux est chrétien. Les autres sont soit musulmans, soit adeptes de la religion traditionnelle, aluk, qui est encore très vivante. Le gouvernement reconnaît désormais cette religion traditionnelle sous le nom d’Aluk To Dolo (« la voie des ancêtres »).
L’une des caractéristiques les plus remarquables est la taille et la majesté des Tongkonan (maisons traditionnelles). Lieux de réunion de familles, elles ne peuvent être ni achetées ni vendues. La toiture fait penser à des cornes d’un buffle, ou peut-être à la proue et la poupe d’un bateau. Plus les cornes de buffle à l’entrée sont nombreuses, et plus le statut de la famille est élevé. Un buffle coûte en effet dans les 50 millions de roupiah soit dans les 300€ ou encore 3 fois le salaire mensuel moyen! Les plus chers sont les albinos qui valent 10 fois plus cher!! Autrefois on se servait de ces animaux comme monnaie d’échange pour acheter des terres par exemple. Aujourd’hui, ils restent omniprésents lors des cérémonies funéraires. Pour qu’ils aient de plus grandes cornes, les Toraja n’hésitent pas à les castrer lorsqu’ils sont encore jeunes…
Enfin, dans la culture Toraja, ce qui est frappant est l’importance des cérémonies funéraires : processions funéraires, faste des festivités souvent des années après la mort (le temps de tout organiser et de réunir suffisamment d’argent), les combats de buffles, les sacrifices, les tombes et Tau Tau (effigies en bois grandeur nature réservées aux riches) à flanc de falaise ou dans la roche…
Je vous invite à consulter l’article de Marie-Claude qui explique particulièrement bien les rapports qu’entretiennent les Toraja avec la Mort…
http://ofildelasie.wordpress.com/2013/10/24/tana-toraja-le-pays-des-funerailles-joyeuses
Ci-dessous, quelques photos prises lors de nos virées en scooter…Nous sommes passés dans des villages aux noms exotiques : Makale, Suaya, Kambira, Tampang Allo, Balik, Labo, Lemo, Londa, Sadan, Batutumonga, Lokkomata.
Tradition Toraja un peu déroutante… Merci à Thierry pour ses explications!
Le grand marché qui a lieu tous les 6 jours à Bolur soit à 2 km seulement de Rantepao… Nous avons réussi l’exploit de rater la partie foire aux bestiaux!
Et bien évidemment n’oublions pas les cérémonies funéraires… Il y en a au moins 1 fois par semaine et les plus importantes se déroulent essentiellement en juillet/août parait-il (saison sèche)…
Rituel Toraja qui accompagne la mort du défunt… Plus la famille est importante et plus il y aura de combats dans ce style. Le summum est le combat de buffles blanc qui peuvent coûter 10 fois le prix des buffles « normaux » soit environ 30 000€
Fin du combat. Le perdant sera sacrifié un peu plus tard et la viande répartie aux membres de la famille en deuil et aux gens qui auront participé aux préparatifs…
Merci à Marie-Claude pour les photos et vidéos ci-dessous qui complètent les nôtres!
Encore une tradition spécifique au pays Toraja… On peut dire que les funérailles ne sont pas tristes ici!
Procession funéraire dans la joie et la bonne humeur ça change…sauf peut-être pour la bonne femme qui tient la boutique à moitié détruite par le cortège!
Demain nous quittons le Sud de la Sulawesi pour les îles Togian. En pratique, on s’attend à 12h de bus pour atteindre Tentena, petite ville au bord du plus grand lac de Sulawesi. Puis 2 jours plus tard, encore du bus durant 5h afin d’arriver à Ampana, et de là prendre le bateau pour les îles Togian. Pour ceux qui suivent l’émission « RV en terre inconnue », c’est là-bas qu’a été tournée l’émission avec Marianne James chez les Bajau…Bref l’aventure continue!! Prochain article après les Togian soit vers le 10 novembre… Et oui pas d’internet ni de banques où nous allons. Seulement des plongées et plages de ouf et une culture différente à découvrir!!