Nous quittons le pays Toraja pour les îles Togian. Partis à 8h, nous arriverons à Tentena aux alentours de 21h sous un déluge tropical. Durant tout le trajet, nous n’avons croisé qu’une poignée de villages, quelques maisons de ci de là, et surtout des forêts à perte de vue! On se serait cru en Amazonie… Il faut dire aussi que les montagnes accrochent les nuages et qu’il n’est pas rare d’avoir de grosses averses dans le centre de la Sulawesi… Les quelques hôtels présents à Tentena étant à perpette, nous voilà chacun à l’arrière d’un scooter avec nos sacs de 20 kg sur le dos (et sous la pluie et l’orage tant qu’à faire!). Trempés et fatigués, nous avons la bonne surprise d’apprendre que l’hôtel était complet. Finalement, nous prenons une « deluxe » room (la seule disponible), que nous partageons avec une américaine qui comme nous venait de Rantepao. Non seulement on a réussi à casser les prix proposés pour la chambre mais au passage on a pu lié d’amitié avec l’américaine en question, Kiri. Aujourd’hui, ça doit faire 15 jours que nous sommes inséparables tous les 3 comme quoi ça devait être le destin!
Kiri, originaire de la banlieue de San Francisco, est partie vivre à New-York durant 8 ans et travaillait dans le design de chaussures. Puis, comme beaucoup de gens que nous rencontrons en Sulawesi, elle a décidé de tout lâcher et de partir seule à l’aventure pour une durée indéterminée. Son rêve? Trouver un endroit paradisiaque et sauvage où elle pourra monter une petite pension style « Bed & Breakfast ». Mais à 31 ans, elle souhaite dans l’immédiat voir du pays comme on dit!
A Tentena, nous restons seulement 2 nuits /1 jour. Bon ok il y a de belles cascades et un lac sympa avec sa plage déserte mais ça s’arrête là. J’en ai profité pour m’initier à la conduite de scooter semi-automatique (la plupart des gens les utilise) car jusqu’à présent j’avais toujours eu la possibilité de louer des automatiques… Kiri, assise derrière moi, a ainsi pu profiter de quelques ratées et soubresauts lol.
Etape suivante : rejoindre la petite ville de Ampana, lieu d’où partent les bateaux pour les îles Togian et le Nord de la Sulawesi.
Cette fois-çi nous ne nous sommes pas emmerdés avec les transports publics (raz le bol des arrêts à répétitions) et nous voilà en train de négocier un taxi privé pour Ampana (22€ pour nous 3 pour 6h avec juste un arrêt bouffe).
A Ampana, pas grand chose si ce n’est un hôtel sympa (si on enlève les moustiques) et surtout quelques boutiques en prévision de notre prochain départ pour les Togian. Quelques restos en bord de route aussi histoire de prendre des forces pour la suite!
Ci-dessous quelques infos sur les Togian…
Les Togian sont un archipel de 56 îles volcaniques. L’eau est à 26°C toute l’année. Etant sur l’équateur, le soleil se lève et se couche toute l’année à la même heure (6h – 18h). Ces îles sont couvertes de forêts et entourées de récifs de corail. Plus de 200 espèces de coraux forment les 3 types majeurs de récifs : la barrière de corail, l’atoll et le récif frangeant. L’archipel est à cheval sur l’équateur, et abrite une faune endémique : le babiroussa (cerf-cochon), le calao à bosse rouge, le tarsier (le plus petit primate au monde), le couscous (un marsupial), ainsi que le crabe du cocotier qui peut atteindre une taille de 90 cm pour un poids de 5 kg (attention aux doigts!!). 37 villages sont référencés et 4 ethnies cohabitent : les Bobongkos, les Togians, les Suluans et les Bajo, dont les dialectes appartiennent tous à la branche malayo-polynésienne. Même ici, les bajo sont considérés comme des parias. Leur mode de vie original est aux antipodes de ceux des 3 autres ethnies, aux mœurs plus indonésiennes. Parmi les richesses des îles Togian, nous trouvons des épices, girofliers, noix de muscade, concombres de mer et écailles de tortues (les chinois en raffolent tant pour la gastronomie que pour la médecine). Autrefois, les bajo parcouraient de longues distances pour vendre du coprah, du poisson et des coquilles à nacre.
Ceci dit, ces dernières décennies, les îles Togian ont connu certaines dérives qui ont radicalement impactées cet environnement jusque là exceptionnellement riche…
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La demande de poissons rares pour l’aquariophilie et les concombres de mer a explosé ces dernières années. Lorsque les marchands bugis et chinois ont introduit les compresseurs d’air permettant aux bajo de plonger plus loin et plus longtemps avec de simples tuyaux, rien que dans les Togian, une quarantaine d’hommes sont morts et beaucoup d’autres demeurent handicapés car ils ignoraient la maladie des caissons.
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Les fermes perlières japonaises ont aussi bien exploitées le filon et n’ont jamais versées de subventions pour promouvoir le développement de la communauté locale comme il était initialement prévu.
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D’autres dérives, étrangères aux bajo, comme la pêche à la dynamique et au cyanure ont partiellement détruit l’écosystème. Aujourd’hui beaucoup d’espèces de poissons sont menacées et les dégâts sur les coraux considérables.
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Enfin, à cela s’ajoutent les ravages provoqués par la prolifération des ophiures, étoiles de mer aux longs bras et à la peau épineuse, qui se nourrissent de polypes de corail. En effet, la pêche au poisson-perroquet, une espèce très recherchée par les Chinois (encore eux!), a ainsi supprimé le principal prédateur de cette étoile de mer.
Et si vous voulez quelques infos sur le peuple Bajo, je vous propose de lire ce qui suit…
Les Bajos, ou « gitans de la mer », sont un peuple de nomades et de pêcheurs reconnus. Ils passent le moins de temps possible sur la terre ferme, considérée comme un lieu pour les malades ou les morts.
Autrefois, sur leurs lepas, pirogues traditionnelles à double balancier, ils passaient d’un archipel à l’autre à travers un immense territoire marin, de l’océan indien au pacifique sud. Isolés la plupart du temps, ils parcouraient 5 à 10 km par jour, s’arrêtaient sur une plage déserte, s’approvisionnaient en bois, en eau potable, et rejoignaient leurs lepas. Ils voyageaient à plusieurs bateaux et ne s’éloignaient jamais plus de 50 km de leur mouillage principal. Certains vivent encore ainsi, mais ils sont pour la plupart regroupés en communautés et se cantonnent aujourd’hui à l’île de la Sulawesi (archipel des Toggian + îles de Banggai). Leur nombre a fortement décliné durant le siècle dernier et on estime leur population actuelle à 30 000. En effet, le gouvernement indonésien, qui s’efforce depuis l’indépendance d’unifier le pays au prix d’une acculturation progressive de ses ethnies, a beaucoup utilisé le prétexte du contrôle de la piraterie maritime pour sédentariser les bajo. Timides, pacifiques et réputés peu sociables, les bajo ont pour habitude de déplacer tout simplement leurs bateaux quand les problèmes arrivent.
On les rencontre aujourd’hui au détour de villages isolés posés sur l’eau mais séparés de la terre ferme. Parfois des centaines de maisons sur pilotis amarrées à un simple rocher sortant de la mer constituent leur village.
ORGANISATION SOCIALE
Chaque village bajo à son représentant, sorte de chaman qui a tout d’un chef, mais sans pouvoir politique et personne n’est obligé de lui obéir. Ici, tout est décidé collectivement et il en va de même pour la répartition des tâches.
Chez les bajo, on se marie et on se sépare simplement. La famille est là pour arranger le mariage ou le divorce. 80% des mariages sont célébrés entre cousins. Le jour des fiançailles, la famille du jeune homme apporte le drap blanc contenant la dot, parfois jusqu’à 250€ ! Si le couple se sépare, les mariés ne sont même pas conviés à la cérémonie. Le drap sera alors déchiré. Les mariages arrangés tendent quand même à être de moins en moins fréquents.
Les bajo ont la réputation d’avoir une sexualité débridée. Contrairement aux musulmans orthodoxes, ils ignorent la séparation rigide des sexes. Ils ne connaissent pas la prostitution et ne reconnaissent pas l’homosexualité.
Lorsqu’ils ont des enfants, les bajo plongent avec leur nourrisson âgé de 3 jours pour l’habituer à la mer. Les enfants se déplacent toujours en groupe et restent sous la surveillance constante des plus grands.
ALIMENTATION
Chaque repas est constitué de poisson, riz et manioc. Il n’y a jamais de viande : la chair des animaux terrestres est impure. Par contre, l’eau est considérée comme propre aussi peut-on y jeter tout ce que l’on veut à marée haute : tout est nettoyé quand l’eau se retire. Merveilleux non? Quotidiennement, une famille avec 8 enfants consomme au minimum 1,5 kg de riz et 1 kg de poisson. Les bajo se contentent d’un seul repas par jour, ils connaissent régulièrement la faim mais, marins assidus, ils gardent toujours à l’esprit la certitude qu’ils seront rassasiés. Même si la vie marine abonde sur leur territoire, leurs techniques de pêche archaïques ne leur permettent pas une intense exploitation de la faune marine.
RELIGION
Les bajo sont musulmans sans l’être. Les bajo ne prient qu’une fois par semaine, ce sont les esprits qui les guident tous les jours. Si un membre de la communauté est malade, de petits drapeaux et des dons sont déposés en quantité sur des îlots déserts ou de simples rochers posés sur l’eau, lieux d’errance des esprits.
La mort frappe souvent tôt chez les bajo : tuberculose, dysenterie, paludisme, lèpre, maladies vénériennes, infections… N’ayant pas de terres ni propriétés riveraines, les bajo doivent trouver une plage déserte sur des îles isolées afin d’enterrer leurs morts. Au 8ème jour, l’esprit du mort est libre de sortir du corps et de rejoindre le monde des esprits aussi mieux vaut ne pas être à côté ce jour là.
ET MAINTENANT ?
L’assimilation des bajo est en cours ; elle est depuis longtemps une priorité du gouvernement, au même titre que celle des 250 ethnies du pays. Le bajo n’existe qu’à l’oral. Les professeurs venant de Java ne reconnaissent pas cette langue et visent à imposer à tous le bahasa indonesia. La fréquentation scolaire est plus forte chez les filles, l’uniforme est de rigueur, ainsi que le lever du drapeau indonésien aux aurores. Ici, pas d’internet, ni téléphone fixe ou portable pour l’instant. Seules quelques paraboles permettent à certains de pouvoir se connecter au reste du monde. Ici aussi, les karaokés font fureur la nuit tombée…
Ok ça ira pour la partie culture générale! So let’s go to Togian Islands! Pour 4€ chacun, nous voilà partis pour 8h de bateau en plein cagnard. Le KM Puspita, un petit ferry en bois de 150 tonnes, huit cabines et un grand pont avec couchettes collectives propose 4 escales : Wakai-Kadidiri(5h), Katupat, Malengue (8h) et Dolong.
En Sulawesi, on apprend à être patient et à supporter avec le sourire des transports sans fin… Presque 2h après être installés à bord, nous avons levé l’encre pour 8h de bateau en plein cagnard! Bon parfois le sourire s’efface quand même au bout d’un moment…
A bord à 8h30, nous avons attendu 10h le temps que toute la marchandise soit chargée. Puis après quelques arrêts et son lot de gamins essayant de nous vendre leur nourriture (nasi goreng ou mi goreng pour changer!), nous accostons sur l’île de Malenge vers 20h. Une petite virée supplémentaire de 30 min sur une barque nous mènera à notre pension, le Lestari Cottages et son propriétaire Mister Rudy. Originaire de Gorontalo, Rudy s’est installé ici, à l’Est de l’île de Malenge et face à un village bajo (nommé « Papan »), avant la crise économique qui frappa en 1997 toute l’Asie du Sud-Est. Il pensait alors que le tourisme se développerait. L’Indonésie était considérée comme un prétendant au cercle des pays en développement rapide, les « tigres », au même titre que la Corée du Sud et Taïwan. Mais les aléas de l’économie mondiale en décidèrent autrement, et Monsieur Rudy décida tout de même de rester. Aujourd’hui, les affaires vont mieux et 8 petits bungalows ont été construits.
Nous sommes restés 5 jours à Malenge. Pour 150 000 Rp chacun (10€), nous avons eu notre bungalow avec tous les repas inclus. Le pied d’autant plus que la bouffe était assez variée! Et puis surtout le calme absolu!! Quelques balades à bord d’un canöe nous ont permis de faire du snorkeling autour, de visiter le village de Papan à 100 mètres au large… L’île de Papan est ceinturée d’une barrière corallienne qui la rend difficilement accessible en marée basse. Un monticule rocheux surplombe le village d’une trentaine de mètres. En contrebas, une petite mosquée constitue le cœur du village. Il y a une cinquantaine de maisons sur pilotis, pour environ 40 familles. Ces lieux sont ouverts à tous. Les portes, quand il y en a, ne sont jamais fermées et les gamins courent d’une maison à l’autre, d’un ponton à l’autre pour terminer dans l’eau. Les véranda, parfois plus grande que la maison, est un large espace aéré qui sert à faire sécher le poisson, et constitue l’espace social. Très sommaires, les habitations bajo comprennent 1 ou 2 pièces spacieuses. La vie se passe au sol, le mobilier y est très limité, et il est rare de voir une table ou une armoire. Depuis une dizaine d’années, une canalisation amène l’eau depuis l’île de Malenge jusqu’au au cœur du village, mettant fin aux corvées d’eau qui nécessitaient des aller-retour.
Une rando dans la jungle avec un couple suisse, et un chien en guise de guide, nous a amenée à la grotte aux chauve-souris au bout de 1h30 de marche. Bon par contre, je ne vous raconte pas les odeurs de fientes sans compter le fait que je n’étais pas super rassuré non plus lol. En s’enfonçant dans la grotte, et après avoir essuyés quelques déjections de chauve-souris sur la tronche, nous tombons nez-à-nez avec 3 indonésiens dans le noir. Nous apprenons – ou plutôt devinons – qu’ils venaient là tous les jours pour collecter des sacs entiers de fientes en vue de les revendre à prix d’or pour en faire de l’engrais… Franchement, vu les conditions de travail, il faudrait me payer très cher pour que je fasse la même chose je vous le dis!!
Les Bajau n’ont pas à aller chercher loin leur nourriture de base…
Une virée en snorkeling dans un cimetière de coraux ça vous tente?!
Un pont de 800 mètres de long et à moitié défoncé permet aux enfants d’aller 6 jours par semaine à l’école.
Quand je pense que les gamins prennent ce pont de 800 m en courant tous les jours pour aller à l’école! Il y a 1 an ce pont s’est partiellement effondré avec des gens dessus mais bon pas de panique tout va bien!
Après Malenge, nous partons pour 2 jours sur l’île de Kadidiri. Au passage, nous voyons une barque remplie de personnes et de marchandises sombrer dans la mer… Heureusement d’autres bateaux se sont empressés de les secourir (bon la marchandise par contre c’est autre chose!). Nettement plus touristique, la micro-île de Kadidiri rassemble 3 pensions tenues par des occidentaux, et dont la plongée est la principale source de revenue. Bon le problème c’est que j’ai réussi à choper une putain d’otite après mes snorkeling à Malenge. Du coup, la plongée c’était mort de chez mort pour moi et on avait aucun intérêt à rester plus longtemps sur cette île! Seule escapade que je me suis autorisé, le lac aux méduses. Il s’agit d’un des rares endroits dans le Monde où l’on peut voir une tonne de méduses sans risquer de se faire piquer. L’évolution et l’absence de prédateurs a fini par faire disparaître le caractère urticant de ces bestioles. Impressionnant certainement mais bon vu mon état je suis resté bien sagement sur la rive.
Un des rares endroits dans le monde où l’on peut voir des milliers de méduses en 5 min sans risquer de brûlures
Après 1 semaine passée aux Togian, nous avons décidé de partir pour le Nord de la Sulawesi. Seulement 2 ferry par semaine nous permettent de remonter plein Nord mieux vaut être organisé!
Départ 16h de Wakai pour arriver sur Gorontalo à 3h30 du matin! Nuit de merde of course avec les locaux en classe économique (4€ chacun). Dodo vite fait sur des sièges non inclinables et dégueulasses, avec la TV qui passe des films tout pourris mais qui font le plus grand bonheur des locaux!!! La plupart des gens dorment et mangent par terre. Bref, au petit matin, nous voilà en train de batailler pour un taxi privé avec 4 autres potes rencontrés aux Togian. La voiture, pour 6 passagers, nous est revenue à 900 000 Rp (10€ chacun) pour un trajet de 10h. Le problème c’est qu’en plus de la fatigue, nous nous sommes coltinés un chauffeur qui piquait du nez en permanence et qui roulait plus à droite que sur le côté gauche de la route! Et puis on peut dire que le relief était bien vallonné et les virages bien serrés. Impossible de dormir, grosse pression en permanence! Enfin, au bout de 7h de vigilance, nous avons quand même réussi à forcer le conducteur à s’arrêter pour dormir… En milieu d’aprem et au bout de 24h de trajet, nous voilà enfin à Manado!! Alléluia!!! Finis les trajets interminables, nous resterons dans la région de Manado pour les 15 jours restant avant les Philippines…